Thierry CHURIN  - Le château d'Alençon vers 1440
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Résumé de l'histoire du château d'Alençon
 
La construction du château d’Alençon s’est étendue sur 4 siècles, des environs de 1030 où il est mentionné pour la première fois jusqu’à la fin de la guerre de cent ans.
Mais il ne subsiste pratiquement que les 3 dernières tours solidement bâties en granitepar le  Comte Jean Ier, entre 1404 et 1410, pour résister au canon apparu en 1350.

La Tour couronnée haute de 33 m (du fond du fossé d’origine au sommet des cheminées) se compose de deux tours superposées d’où son nom. Elle n’a perdu qu’une cheminée et quelques mètres de toiture depuis le Moyen Age, mais ses intérieurs sont intacts.

Le châtelet d’entrée dont les tours sont hautes de 23  m a été sévèrement modifié :

La toiture qui était surmontée d’un lanternon et de 3 grosses fleurs de lys a brûlé lors d’un orage en 1714.
Un moine a péri pour avoir tenté d’éteindre l’incendie avec des reliques !

Côté rivière, l’espace entre les tours fut modifié plusieurs fois : les deux ponts levis  et le pont tournant en bois ont laissé place à une arche en pierre ; la façade, autrefois ornée de niches portant des statues est maintenant percée de petites fenêtres arquées. Les nombreuses baies qui avaient été ouvertes au cours du temps sur les deux tours ont été transformées en fausses meurtrières, obligeant le personnel de la prison à s’éclairer artificiellement.

Côté cour, l’adaptation à l’usage carcéral a aussi provoqué la suppression d’une des 3 fenêtres à fronton qui ornaient le dernier étage, la perte d’un four à pain et la démolition d’une jolie tourelle à escalier à vis, remplacée actuellement par un double escalier droit. Des  sols ont été déplacés. Seules 5 pièces très austères et peu décorées ont gardé leur forme, mais elles ont perdu boiseries, enduits, accessoires et mobilier.

Les 10 autres tours protégeant les deux cours du château ont leurs fondations enfouies sous la place Foch, le palais de justice et la mairie  :

Le donjon rectangulaire du XII ème siècle, deux fois plus haut que les deux tours d’entrée,  n’était accessible que par une porte située au niveau du sommet des colonnes de l’actuel palais de justice.
Vers 1380, le comte Pierre II l’avait agrémenté de 4 tourelles en calcaire. Leurs pierres ont servi à reconstruire des voûtes de Notre Dame détruites par la foudre en 1744.
Tout le reste a été démoli en 1782 après une tentative ratée d’aménagement en prison.

 Une ancienne entrée du château servant aussi de moulin occupait le centre de la place Foch.
 A son apogée,  au XV-XVI ème s. , l’ensemble comprenait aussi une grande chapelle, un logis et de nombreux bâtiment de service plus ou moins bien connus et qui ont dû subir bien des remaniements au cours des 9 siècles d’occupation .

La fortification était entourée de très larges douves alimentées par la Briante.
Elles sont aujourd’hui comblées sous la place Foch ou canalisées entre des murs récents.

1440, c’est une période de guerre, 9 ans après la mort de Jeanne d’Arc.
Une partie des alençonnais collaborent avec la garnison anglaise du roi Henri VI , forte d’environ 160 hommes, qui occupe la forteresse depuis 22 ans (suite à la défaite d’Azincourt en octobre 1415 où le comte Jean I er est mort).

 Comme ils ont subi jusqu’en  1439 une décennie de troubles, de famines et de pestes, les Anglais se contentent d’entretenir le château à peu de frais pour qu’il soit en état de résister aux attaques de Jean II, le nouveau duc d’Alençon Allié au roi de France Charles VII qui souhaite récupérer son domaine. Il n’y parviendra qu’en septembre 1449.

Vers 1488, débute alors  une période de paix et de relative prospérité pour le château.
Il bénéficiera vers 1510 de quelques embellissements sur le pavillon d’entrée :
fenêtres décorées et lanternon où aurait trôné un gros lion en pierre, symbole des ducs d’Alençon.

Le 8 août 1472, Louis XI visite Alençon. Une lourde pierre se détache du haut d’une tour du château, frôle de si près le Roi qu’elle arrache un pan de son manteau.
Ce n’était pas un attentat mais un page qui folâtrait sur les remparts avec une amie !

Marguerite d’Angoulème future Marguerite de Navarre, épouse du Duc Charles IV, réside tous les étés de 1509 à 1525 entretenant une cour où brillent les plus grands esprits du moment, notamment Clément Marot. Elle fait également élever des poules d’inde ramenées par Christophe Colomb et le premier dindon est dégusté en 1570 aux noces du roi Charles IX.

Puis les seigneurs d’Alençon cessent  d’habiter le château. Débutent alors deux siècles de démolition qui effacent de notre vue les parties les plus anciennes : suite aux guerres de religion, Henri IV et Louis XIII pratiquent une politique de démantèlement des forteresses.
Au début de son règne, Louis XIV fait retirer les derniers canons. De 1768 à 1776, le château remplit le rôle de dépôt de mendicité en recevant  vagabonds et mendiants.
En 1773, Louis XV fait don des  terrains du grand parc à la ville cela devient le quartier des promenades et de la rue de Bretagne. Depuis 1779, diverses juridictions occupent le château.
En 1824, il est aménagé en maison d’arrêt. Pendant  la guerre de 1939-1945, de nombreux résistants y sont martyrisés par la Gestapo.

En janvier 2010 la prison a fermé.

Le château appartient à la ville d'Alençon depuis le 22 janvier 2018 et il est classé Monument Historique depuis 1862.

La légende de Marie Anson

Une des versions de la légende raconte que la tour couronnée fut jadis la demeure d’une châtelaine de grande beauté, Marie Anson, que Renaud, son mari, aimait d’un amour tyrannique et jaloux.
Au cours d’un voyage de Renaud , un « ami » voulut mettre à profit son absence pour gagner les faveurs de la dame. Usant de ruse, le chevalier déloyal persuada Marie de lui prêter ses trois anneaux un seul jour, pour en commander des semblables.
Elle y consentit, n’y voyant aucun mal.
Le chevalier partit pour Paris avec les doubles. Là, il rencontra Renaud, lui montra les trois anneaux et le persuada de la trahison de sa femme.
Renaud revint au château et tua son nouveau-né en le jetant sur le sol,
attacha son épouse par les cheveux à la queue de son cheval et la traîna dans tout le parc…
« N’y avait ni arbre ni buisson
qui n’eut sang de Marie Anson »
Avant de mourir elle pardonna à son époux pour ce qui lui avait fait, mais pas pour la mort de leur enfant.
C’est depuis ce temps que le soir de Noël, une femme vêtue d’un suaire apparaît sur la tour couronnée,
jette un cri et s’élance dans le vide pour aller laver les langes sanglants de son enfant dans la Briante.
(extrait de : A. Champion, Le Château, 1993).

La légende ne précise pas qu’au moment des faits supposés, la tour couronnée n’existait pas encore !

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