On dit que les petits
canards
suivent toute leur vie la première chose qu'ils ont vue, cela
s'applique
peut-être aussi aux hommes. En tout cas, le château d'Alençon
est un de mes tout premiers souvenirs d'enfance : à quatre ou
cinq
ans, je me souviens que je regardais la mystérieuse Tour
Couronnée
de ma fenêtre de la rue de l'Air Haut, je faisais coucou de la
main
aux prisonniers, mais le château on y entrait pas !
Des légendes couraient (et courent
encore) sur les formidables souterrains, sur Marie Anson (ou
la dame blanche).
Au même moment on démolissait beaucoup (trop) dans la
ville.
En abattant un mur, des ouvriers
avaient
trouvé une épée, une vraie !
D'autres maisons s'écroulaient
toutes seules. Je me souviens encore du nuage de poussière de
celle
de la rue Bonnette.
Dans mon jardin, je reconstruisais
le
château avec de la terre et des cailloux.
Quand j'ai su lire, j'ai dévoré
les pages d'histoire de Tout l'Univers, les célèbres
émissions
des Dossiers de l'Écran. A l'adolescence, je n'ai pas
souvenir d'avoir
appris une leçon d'histoire car j'avais tout assimilé à
la fin du cours (aidé en cela par des bons profs du service
public,
comme Mr Blanchetière et Le Meur). .
Mais dans mon milieu et avec mon
piètre
niveau en français et en langues, il n'était pas pensable
de devenir prof d'histoire. J'ai donc opté pour une filière
technique dans laquelle je me suis épanoui. C'est en
préparant
un bac F1 que j'ai appris à dessiner avec précision et en
respectant de multiples normes. Mais à l'époque, il n'y
avait
pas de cours d'histoire dans cette filière, si bien que je
n'ai
par exemple jamais eu de discours structuré sur le XIX ème
s. Cela me manque encore.
J'étais programmé pour faire
une carrière de technicien, quand à 16 ans, j'ai fait une
rencontre surprenante : je me promenais à vélomoteur dans
le Bois d'Aché, le secteur le plus perdu de la forêt
d'Ecouves,
à 17 km de chez moi, loin de tout chemin carrossable, quand
j'ai
failli tomber dans un trou creusé au beau milieu des
fougères.
Sa forme carrée m'a surpris ; les ficelles tendues, les
moindres
cailloux nettoyés... Pas de doute c'était un chantier de
fouilles. Mais comme il n'y avait personne, j'y suis revenu
le samedi suivant.
Les fouilleurs étaient aussi surpris que moi de me
rencontrer dans
ce lieu aussi isolé. Ils m'ont tout de suite intégré
à leur équipe bénévole, le Groupe de Recherches
Archéologiques Alençonnais.
Sous l'impulsion bénévole
d'Hubert Gros et de Claude
Lioult, les jeunes y étaient parfaitement encadrés et pour
moi une passion est née.
De ce jour, l'archéologie a
occupé
la quasi totalité de mon temps libre jusqu'en 1990 (liste
des travaux
et sujets d'étude en bibliographie). C. Lioult qui présidait
alors l'association et m'employait aussi bénévolement au
musée d'Alençon, disait : "l'archéologie mène
à tout" et "un archéologue doit savoir tout faire".
C'est avec ces deux principes et grâce à son coup de pouce
que je me suis lancé, moi fils d'ouvrier, dans des études
universitaires à la Sorbonne. J'en suis sorti à la maîtrise
avec une mention très bien.
Mais dans ce métier, des études
correctes ne suffisent pas pour décrocher un emploi régulier
et suffisamment rémunérateur pour nourrir une famille.
Malgré
l'influence d'E. Gautier Desvaux et quelques solides amitiés
, il
aurait fallu encore un peu de chance (je n'ai jamais trouvé
de mosaïque)
et tomber sur un département où quelques sites archéologique
puissent fédérer un marché touristique. L'archéologue
a alors une forte valeur économique, ce qui n'est pas le cas
dans
l'Orne
(il y aurait quand même de quoi
employer un archéologue, 40 fois moins que ce que
faisait
le Conseil Général du Calvados vers 1990 !).
Comme mes sujets d'étude et mes
liens familiaux ne m'incitaient pas à changer de
département,
je me suis résolu, en 1990, à changer de métier. Devenu
instituteur, mes activités archéologiques se sont
sensiblement
réduites : je donne quelques coups de mains à ceux qui ont
pris ma suite et j'essaie de publier mes travaux anciens
pour qu'ils ne
soient pas perdus.
De 2000 à 2010, j'ai été
chargé du Service enseignement à la Maison d'Arrêt
d'Alençon, dans le château. A ce titre, j'ai pu visiter les
lieux en détail même si toute photo ou prise de mesure
étaient
interdites.
A cette époque, mon fils Marc
apprenait
la modélisation en 3D, il m'a enseigné des rudiments de
cette techniques.
Il serait capable de faire bien
mieux,
plus réaliste et interactif en 2018, dans le cadre de sa
société
Fygostudio.
Enfin, je dois remercier
Guillaume qui
m'a aidé gracieusement à mettre le contenu de ce CD sur la
toile. Sans lui, mon travail serait resté dans un placard.
Une petite pensée aussi pour ma
femme et les amis que je côtoie dans d'autres activités. Ce
travail sur le château, accompli intégralement sur mon temps
libre, m'a accaparé trop longtemps au détriment de la vie
sociale. Les passionnés ne sont pas toujours faciles à
vivre...
27-01-2018
contact par
internet : aulerque@wanadoo.fr