Thierry CHURIN - Le château d'Alençon vers 1440
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Ma démarche et mes buts



extrait des gravures de Louis Hédin - vers 1855


fouille de 1990, au pied de la mairie


fig 2 (1746)


fig 18 - perspective de Le Queu


fig 17 - Projet de double promenade
 
 

Mes buts - mon cahier des charges

     Mon objectif était d'améliorer la perspective partiellement erronée de Hédin, en profitant des recherches qui ont eu lieu depuis 1855 et du formidable outil qu'est l'informatique. Il permet de traiter les informations tout au long du travail et surtout de restituer les résultats sous des formes variées, lisibles, ludiques, le tout pour des coûts de tirage faible.

     Je tenais à ce que mes résultats soient accessibles à tous : du touriste peu motivé à l'universitaire spécialisé en passant par le collégien en charge d'un exposé, l'élu tenu de réfléchir à l'aménagement de la place Foch, le lettré... le quasi illettré...

     En 2005, je ne me faisais pas d'illusions sur le public concerné : le château d'Alençon n'intéressait vraiment que quelques Alençonnais ! Comme il n'avait pas de vocation touristique et que les travaux d'Isabelle Chave avaient déjà drainé les rares financements possibles sur ce thème, personne n'allait miser un budget supplémentaire sur ce monument. 
Autant dire que je l'ai fait sur mon temps libre sans que cela ait coûté un centime à la collectivité.

     Le support CD correspondait parfaitement à ce cahier des charges, il permettait de stocker une masse de documentation couleur à peu de frais, un tirage artisanal ajusté à la demande et sans gaspillage de papier, des rééditions corrigées, des entrées variées. Rien n'empêchait par la suite de copier - coller des images ou des extraits pour les tirer sur des supports papier.

La diffusion sur Internet est l'aboutissement de ce processus. 

J'espère enfin que mes travaux pourront servir aux aménagements futurs du château et de ses abords. Je conserve à cet effet un certains nombre de fichiers numériques qui peuvent être retravaillés pour faire à moindre frais des visites interactives, des circulations virtuelles...
 
 

Ma démarche

     Le château, c'est en premier lieu un souvenir d'enfance : quand j'avais 4-5 ans je regardais les tours par les fenêtres de ma cuisine du 2 rue de l'Air Haut. Ma cousine faisait coucou de la main aux prisonniers qui lui répondaient. Cela inquiétait le reste de la famille!
Des maisons anciennes s'écroulaient dans un grand nuage de poussière (rue Bonnette). C'était l'époque des démolitions. En abattant un mur, des terrassiers avaient découvert une épée, une vraie ! Il y avait donc encore des secrets à découvrir. Dans mon jardin, je reconstruisais le château en terre et en cailloux.

     Par la suite j'ai toujours collectionné les articles de presse et les copies de gravures du château (les originaux m'importent peu, seule l'information contenue m'intéresse). 

     Pendant 25 ans, j'ai pensé qu'il était impossible de dépasser la précision des dessin de l'architecte L. Hédin parus en 1855 dans le Journal d'Alençon et mille fois reproduits. Fruits d'un énorme travail, avec les moyens limités de l'époque et une bonne foi dont je ne doute pas. Ils sont à la fois précis et vivants... mais partiellement faux !

     Ce n'est qu'après une maîtrise d'archéologie et 10 ans de pratique de terrain, dont pas mal de dessin architectural,  que j'ai découvert ces erreurs, presque par hasard :
En avril 1990, en passant près de la mairie, mon regard s'est arrêté sur un grand trou que l'architecte en charge de la rénovation du bâtiment venait de faire creuser,  dans l'angle, au droit les bureaux de l'État civil, pour vérifier les fondations.
L'excavation laissait voir deux gros murs qui se sont révélés être les deux remparts est du château (voir le rapport de fouille).
L'écart entre les deux n'était que de 2,50 m, alors que sur la gravure,  6 m de lice les séparent. Ainsi, à la première vérification, le dessin de Hédin se retrouve erroné de 240 % (voir les gravures de L. Hedin et leur critique).

     Persuadé que la documentation manquait pour faire mieux, je n'ai pas cherché plus. L'oncle de ma femme, André Eschbaecher, architecte chargé de l'entretien du château dans les années 1930 avait aussi noirci des mètres carrés de calque sur le même thème, mais avec les mêmes erreurs.

     Ce n'est que 10 ans plus tard, en feuilletant les premiers articles d'Isabelle Chave, que j'ai  pris conscience du nombre de plans et de gravures disponibles. La multitude de détails dispersés dans sa thèse laissait entrevoir une restitution possible. Restait à juger quel(s) plan(s) était le plus véridique.

     Sans savoir si j'irai bien loin, je me suis procuré un relevé précis au 200 ème de la place Foch, des extraits du cadastre, et j'ai entrepris de reporter sur un calque, à l'échelle, manuellement,  tous les tracés des plans anciens.
Ceux qui colleraient avec l'existant encore debout et les murs trouvés en fouille auraient de bonnes chances d'être aussi justes  pour les parties détruites.

    Le plan de 1746, par exemple, est particulièrement faux : l'écart entre l'enceinte principale et enceinte extérieure enfermant la lice est beaucoup plus large que ce que montre la fouille. C'est probablement ce plan ainsi que la perspective de Le Queu (vers 1785), tout aussi imprécise et idéalisée qui ont servi de base à L. Hédin.

     C'est alors que j'ai découvert le Projet de double promenade, tracé par de Cessart en 1776. Pour inclure ses massifs végétaux géométriques, il a eu besoin de relever précisément la position de chaque mur. Les erreurs sur les grandes mesures sont seulement de l'ordre de 0,5 %. Il colle parfaitement avec ma fouille de 1990 et avec les fondations de ponts qui apparaissent dans la Briante. 

Il n'est pourtant pas parfait car le donjon est visiblement trop petit. 
     En fait, de Cessart a relevé précisément ce qui était dans l'emprise de son projet de jardin, en négligeant un peu le reste.

     Maintenant que j'avais le plan des tours, il restait à en chercher l'élévation. Car l'inconvénient, et l'avantage, de l'outil informatique c'est qu'il force à tout définir :
Les informations sont saisies sous forme de chiffres au centimètre près. 
Pour une tour, par exemple, il faut au minimum les coordonnées de l'axe, en X, Y et Z , relevées sur le calque au 200 ème, puis un diamètre, une hauteur... Pour cette dernière mesure, nous disposons de plusieurs gravures, montrant des élévations pas toujours concordantes. A chaque fois, il faut trancher, avec logique, et noter le pourquoi de ces choix. Ces 50 pages de notes et de calculs ont été résumées tout au long du CD.

     Contrairement à ce que je pressentais, les vrais dilemmes ont été rares. Les grandes incertitudes concernent la position exacte du donjon (sa localisation sur l'axe est ouest se joue à 2 m ou 3 m près) ; les formes médiévales de l'éperon et l'extension des créneaux sur mâchicoulis qui ont remplacé partiellement les hourds en bois. J'ai aussi préféré ne pas figurer les nombreux  bâtiments de service qui devaient apparaître et disparaître, au gré des besoins. J'ai oublié les herses des ponts levis ; négligé les détails des trois tours encore en place (mâchicoulis, détail des moulures et taille précise des fenêtres et des portes que je n'ai pas eu le droit de mesurer...). Tant que le pavillon était occupé par la prison, l'étude en était impossible. Dans le contexte sécuritaire, la moindre mesure était secrète. C'est aussi pour cette raison que je me suis limité à l'enveloppe extérieure des bâtiments.

     Chaque bloc numérisé a été inclus par la machine à l'ensemble, et, à tout instant, on pouvait voir le résultat sur l'écran, faire tourner la "maquette" pour l'orienter comme les gravures, détecter et corriger les aberrations.

     Quand toutes les pièces ont été placées, j'ai tiré une centaine de clichés et une dizaine de films, sans soigner les couleurs et les atmosphères. Mon but était que sur les pages du CD, on ne puisse pas confondre mes reconstitutions (couleur "schéma de dictionnaire") avec les documents anciens.

     Puis j'ai confié le fichier à mon fils Marc, à l'époque étudiant à l'École supérieure d'Art de Lorient, pour qu'il tente d'en tirer un résultat plus réaliste et artistique, mais avec une prise de risque plus importante avec la vérité historique... qui nous échappe. Ce dernier type de rendu suppose un matériel plus perfectionné (plus de mémoire vive et des logiciels plus performants) et un travail d'équipe pour réaliser toutes les tâches.

Marc avait alors colorisé quelques images que vous trouverez sur ce site et produit un film avec musique et acteurs, présenté à Alençon lors des journées du patrimoine en 2005. Depuis, il en a fait son métier et grâce aux progrès de l'informatique pourrait faire beaucoup mieux.

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